Carnet de bord du capitaine, coefficient espace-temps 4522-652.6... Thierry me demande la date : 26 décembre 1988, à bord d'un 727 d'Air Algérie...
Hier soir, Thierry est venu à la maison pour préparer nos affaires, Olivier est venu nous rejoindre plus tard. Nous filons à l'usine pour faire nos photocopies de cartes... La photocopieuse donne à fond, mais nous n'obtenons pas les résultats escomptés... Tout un bordel pour quelques agrandissements !
Yann est un as de la démerde... rien ne traîne, avec lui ! Au Duty-free, nous achetons le carburant pour le séjour : 2 L. de Ricard, 1 Jack Daniel's, 1 Ballantine's, 1 Famous Groose, 1 Southern Comfort, 1 Père Magloire... Notre article 43 de notre règlement : Tout guide qui s'enivrera sera sujet à des coups de fouets ou passage à tabac par ses clients !
13h10 : Arrivée à Alger, visites Casbah, direction l'Hôtel Ziri... Le soir, repas de poissons dans un resto... Soupe de poissons, gambas grillées, Daurade... Un délice...
Le soir à l'hôtel, c'est l'excitation. On boit des Ballantine's dans le salon, la bouteille dans un sac plastique... Dans les chambres, Thierry dégonde toutes les portes, Estelle court après Olive et défonce la serrure d'une porte.../...
27/12 : On a un peu d'eau chaude pour se débarbouiller, puis on attend le 737 AH à destination de Djanet. Attente des bagages, remplissage de moult papiers officiels... On mange à l'Hôtel Zeriba, puis c'est le grand départ. On quitte la piste sur la gauche, Olivier passe l'après-midi l'oeil rivé sur sa caméra, et n'arrête pas de nous dire "qu'il faut filmer en accéléré pour gommer les à-coups !!!"
L'après-midi, arrêt pour le 1er camp : on est un peu isolé, un peu en hauteur. Dès qu'on débarque de la voiture, on grimpe en courant sur un petit sommet, on fabrique un cairn et on admire le coucher de soleil...
On dort tous côte à côte, dans les sursacs, et nous observons L'étoile filante énorme qui n'en finit plus... Au réveil, Thierry a son duvet trempé par la condensation... Il ne remettra plus son sursacs....
28/12 : Aujourd'hui, pour rejoindre l'entrée sud de Tadrart, les paysages sont très changeants :on en voit 5 ou 6 types différents... On s'arrête à midi dans un cirque aux beaux canyons. Au dessus de nous, un éperon superbe... Boubeker crie à Olivier que le coin où il va est interdit... Il fait demi-tour à toute allure, l'air contrit... et on est tous morts de rire... !
1ère vaisselle au sable... très efficace ! On fonce sur Tadrart. Les paysages sont changeants, , et les ensablements nombreux. L'entrée sud est belle. Sur la piste, Boubeker tire des congas : d'abord, il n'en a qu'une, ensuite, il s'approche comme un félin, et en tue 8 d'un coup !!! Le soir, le camp est installé sur une dune, au pied d'une falaise. Riche soir ! On part se ballader avec Estelle et Thierry, sur le plateau. Ils ont les boules, car l'escalade est impressionnante ! On assiste au coucher de soleil, descente en courant de la grande dune-dégueuloir du plateau.
Séance mémorable de plumage des oiseaux (sortes de pigeons sauvages ?) avec Thierry : on a du sang et des plumes plein les doigts, objets de rigolades franches... Olivier doit les vider, fait la cuisine : congas à la crème de whisky, riz et raisins marinés au Ballantine's ! La chair est fantastique ! saignante, tendre, fine... Il n'y a que les râbles à manger, par contre...
Juste avant d'aller se coucher, descente dans la plaine pour admirer les étoiles, parler... On s'assoit en rond. Petit cours par Olivier sur les étoiles (Jupiter et ses satellites, Andromède vers Cassiopée, l'Amas de Persée, le Cygne... Au retour, on fait une farce à Livio, on se cache à plat ventre et il croit que c'est un animal !!! Il y a du vent... Ca caille...
29/12 : Réveil à l'aube, petit dej' café, chocolat, pain grillé, lait conss... confiotte abricot, miel, céréales... Grand luxe ! On se déplace un peu, puis on part se balader. C'est une découverte : on monte sur un plateau et la vue sur les dunes de la Merzouga est fantastique. Il y a beaucoup de vent. Yann nous fait remarquer les alignements de pierres qui ont 5000 ans...
La descente est un moment fort : le sable est d'une finesse incroyable, orange, l'eau a sculpté le grès, formé des vasques et des meules... Mangé à midi vers l'endroit ou je fais un peu d'escalade, Livio et Thierry jouent aux billes, Olivier film un lézard pendant longtemps...
On s'enfonce un peu plus dans Tadrart, il faut forcer le passage dans le sable mou, et Boubeker n'y arrive pas... Il prend un élan dingue et s'embourbe à tous les coups... Finalement, il fait un petit détour, il était fou furieux !!!
Vers le camp, on gonfle le parapente. Je monte en courant au sommet de la dune, qui nous surplombait, gonflage parapente. Puis en fin d'après midi, sur la grande dune, farce à Livio : on se planque, il flippe !!! Très beau site, aux nombreuses poteries.
Le soir, on creuse pour le bivouac. Yann a une super grippe, il a les nerfs quand Estelle lui demande s'il va faire froid !!! Il titube pour aller se coucher, après avoir mangé un peu de cassoulet... Quand on connaît le personnage, il doit être vraiment mal en point !!! On a tellement crapahuté qu'on est lessivés, ce soir-là !
30/12 : Ce matin, je me caille au réveil. Il fait 1° à la station météo. On franchit ce matin là le gros passage difficile il faut écrêter la dune, puis la descente immense à 35° ! c'est l'excitation dans les rangs ! Boubeker nous pose un peu plus loin, pour marcher. On grimpe la dune qui mène au plateau. Grande ballade où il y a un vent d'enfer. Je me pèle et subis une fringale infernale. Envie de bouffer des nouilles et des bonbons. Yann ne trouve pas le passage pour la descente, on est obligé de remonter puis de redescendre par la gorge où il y a l'arche. En bas, Livio goûte sur nos conseils une coloquinte ! Extrêmement amer !
Du vent ! On bouffe en face d'une belle arche, bataille de coloquintes avec Boubeker, qui me tue 2 fois ! On va chier avec Thierry dans le plus beau chiotte du monde ! On fait le tour de l'arche, photos...
On décide d'aller coucher ailleurs, on file au fond de la plaine, vers la dune... Je fouille en bas du camp, Livio et Olivier partent dans la plaine, les autres au dessus sur la dune... Boubeker pousse un coup de gueule parce qu'on va ramasser des objets ! Livio trouve une superbe pierre polie noire. Les Touaregs démontent les freins du Toy', et nous bavardons avec Yann autour du feu. On bouffe un couscous. Estelle a creusé un gros trou pour coucher dedans, un "trou à rat" ! A 3h. du mat', je suis réveillé par la pluie ! Déménagement vers le Toy' !
Le soir, après la bouffe, on va s'allonger sur le dos dans le sable, face aux étoiles, et on parle du ciel, de l'infini, des étoiles, de télescopes... C'est calme et intime... Yann va mieux, il s'est soigné lui-même : 2 gr. d'aspirine, 2 gr. de paracétamol, 2 antibiotiques en une seule prise... Olivier était interloqué de voir un tel traitement !!!
31/12 : Dernier jour de l'année. On est impatient de fêter le Réveillon ! On roule un peu, puis Boubeker nous pose. On se ballade sur la grande dune, vers la Merzouga. On est avec Thierry, on flâne, en arrière, on est bien... Il y a encore beaucoup de vent... On va faire du bois, on cherche un camp. A midi, on a mangé au pied de la paroi, là où on est allé voir s'il y avait un rapace dans le trou dans la falaise. Je me renverse de l'huile de foie de morue sur le genou, sur mon seul pantalon, qui va coincer sec tout le reste du séjour ! L'érosion a sculpté de la dentelle sur le grès... c'est très beau. On fait tomber un énorme bloc avec Thierry...
Une fois le camp trouvé, on repart se balader avec Thierry. La découverte de la guelta est un grand moment. On est très excité d'y retourner le soir... Thierry descend dans la meule, et croit se trouver nez à nez avec un serpent... Frousse et rigolade !
L'excitation monte ! On fait de la soupe, on canonne pas mal ! Les bouteilles, que Boubeker n'a pas réussi à casser à coup de pierres en prennent un bon coup ! Estelle renverse sa soupe par terre, Olivier nous fait des chioua-ouas. On décolle destination la guelta repérée plus tôt. Bataille de coloquintes, rigolade, mimis ! Je file devant pour leur faire peur, en me cachant dans le trou de Thierry. C'est en sortant, en voulant me repousser, qu'Olivier laisse tomber son appareil et le casse. On fini la bouteille de Ballantine's au fond, en chantant ! On fait une peur bleue à Estelle en se cachant avec Thierry. puis on contourne le massif par l'itinéraire reconnu avant. Rigolade et marche de nuit sont au programme, avec la tête chaude et alcoolisée ! Au tour d'Olivier et Estelle de nous surprendre dans l'oued ! Au retour, on leur fait une farce, en se planquant sous le Toy' ! On pique de tels fous-rire qu'on en pleure !
On fait péter la bouteille de blanc, la boite de foie gras, le pain grillé ... Puis on repart pour l'Eléphant ! Une très belle ascension ! Yann prend des repères à la boussole, pose des cairns... J'ai une super frite ! On cherche un peu l'itinéraire, et il semble qu'à un endroit, on soit arrivé en haut ! On sort la bouteille de Jack Daniel's, et les feux de Bengale qu'on arrive pas à faire démarrer... C'est assez difficile de retrouver l'itinéraire de descente !!! Yann a été un peu avare sur les cairns, et le Jack Daniel's n'aide pas trop à trouver ceux-ci, très éloignés !!! On traîne un peu derrière avec Estelle, les têtes bien pleines...
C'est au tour des préparatifs du feu d'artifice : on se prend de tels fous-rire avec Thierry que je ne peux plus rien faire ! Le reste du groupe rigole autant que nous, l'ambiance est à l'hilarité générale !
Au coucher, on se fait tous des mimis, on rigole encore 2/3 coups, puis tout le monde s'endort... Tranquillement !
1er janvier : On est obligé de faire la vaisselle le matin, laver les casseroles, c'est pas rigolo ! J'ai mal à la tête, il a fait super chaud cette nuit-là : on était à l'abri, sous notre voûte, comme les hommes préhistoriques...
En sortant de Tadrart, par l'oued In-Jerane, on fait le tour des peintures rupestres, on remonte une guelta fantastique, très longue, dont un passage périlleux pour passer un bloc coincé... Retour par un chemin muletier, avec les cadavres des mules au pied de la paroi !!! A côté, on trouve une autre guelta superbe, aux somptueuses meules... Je persuade Olivier de grimper par le fond du trou, et je suis mort de rire, car c'est super dur, alors qu'il suffisait de passer en opposition par-dessus !!! Pendant ce temps, Estelle dort dans la voiture, avec le Walkman. Au revoir Tadrart !
On rejoint la "Piste Nationale" complètement défonce, c'est super pénible... Il y a un vent dingue. On a mangé sous l'immense arche, près de la grande plaine... Le vent est infernal, on bouffe du sable à tout va !
Le camp, le soir, est près de la piste, le vent fait claquer les duvets, y'en a qui construisent des parapets de pierre ! Yann fait sa première taguella et Thierry se fait pourrir parce qu'il a jeté un papier dans le feu !!! "Depuis le temps qu'on le dit !!! On a dit 1000 fois qu'on balance rien dans le feu de la Taguellaaaa !!!!" Un camp sympa, où on rigole bien...
2 janvier : On charge les sacs sur le toit, on serre les cordes, et en avant ! Je suis dans la voiture de Boubeker, et on rigole bien. Il nous raconte l'histoire de Livio, qu'il a jeté sévèrement parce qu'il claquait les portes du 4x4 trop fort, et qu'il ouvrait les portes toutes les 30 secondes, au lieu de réfléchir !!!
Boubeker est un Touareg de haute lignée, le neveu du Roi. Personnage haut en couleur, à l'humour ravageur, très célèbre dans le monde des arpenteurs du Sahara, qui parle un français superbe, impressionnant, magnifique, noble, d'une compétence incroyable... Se faire engueuler par Boubeker est une expérience... marquante ! On ne la ramène pas trop !
Il nous raconte l'histoire du musulman qui a le choix entre 3 pêchés : Alcool, Tuer son fils, Tromper sa femme... Il pèse le pour et le contre, décide de boire : finalement, il aura bu de l'alcool, et par ce fait, tué son fils et trompé sa femme !!!
Yann essaie de lui parler de l'Islam, de la condition des femmes... Mais il se bute. En arrivant à Tiska, il y a encore une altercation : Boubeker nous engueule car il a soupesé un de nos sacs ! "Vous êtes trop chargés ! Y'a rien qui vous sert, là-dedans !!! Ca bouge pas du toit de la voiture !!!" Yann fait la gueule !
On part tous pour faire un sommet. Je marche avec Olivier, on est vite en haut, et on attend le soleil... Au sommet, on trouve une plaque de l'IGN, un message des précédents, on croque un bout là-haut... Le retour est long... On mange à 3h et demi, pour attaquer à nouveau à 18h30 ! On ne fait que ça ! bouffer !
On va grimper avec Olivier au dessus du camp, initiation à l'escalade, découverte des grottes creusées par l'érosion plus haut, super beau. Le soir, on taille la bavette dans une espèce de conque, avec Livio, qui m'explique le système artistique en France, et revendique un côté anar de droite !!! Il me parle aussi de son projet d'"Ambassade du Beau", de constructions mirobolantes...
A midi, on a écrit quelques cartes, car Ramdam rentrait sur Djanet pour faire de l'eau, de l'essence.
Le soir, en préparant le repas, Yann me dit : "on dirait un séminariste !" Depuis, je suis Frère Jean-Yves ! Autour du feu, Yann nous raconte des histoires de ses expéditions au Brésil, des filles, de la corde coupée par des Brésiliens, le vol du matos... On rigole bien avec ses histoires inénarrables !
Olivier a mal au dos à force de dormir à plat dans le sable... La nuit lui paraît longue. Olivier connaît tellement de choses !
3 janvier : En avant pour les Monts Gautier ! On roule sur du plat, au début des plaines du Ténéré ! Arrivé tôt, choix du camp avec option vent ! Départ pour l'escalade, tout le monde grimpe ! Estelle pleure de panique, il y a un vent impressionnant et d'enfer. Merci, Yann, de t'appeler Seigneur ! C'est bon pour la remise en confiance !
On part se balader, Thierry et moi, on oublie tout ! On trouve des jolies boules bien lisses, je pense que c'est l'érosion... On apprendra plus tard que c'était un atelier de fabrication d'armes préhistoriques !! On attend le coucher de soleil, tous les deux, côte à côte... On taille la bavette avec Estelle jusqu'à 11h30...
4 janvier : En route pour l'Erg Admer, InAffeleleh... La route est longue, car j'ai oublié mon sac bleu à côté du puits -j'étais occupé à changer d'appareil photo... 20 km plus loin, je m'en aperçois, demi-tour, ensablements, en passant, on fonce sur Olivier qui filme courageusement !
On s'arrête le long de l'Erg, partie de boules, portraits, douceur de vivre dans la voiture, on cause avec Livio de la personnalité des peuples, de la guerre d'Algérie, Nouvelle Calédonie... Estelle se fait bronzer par la fenêtre, Thierry rêve devant...
L'après-midi, on cherche la passe pour entrer dans l'Erg, on est paumés ! Camp après la panne d'essence de Boubeker, qui désamorce sa pompe à gasoil... Photos du coucher de soleil avec Olive, photos du feu, on mange un bon couscous. Ca caille ! Merci Faramaz ! C'est une belle journée, nos errances dans l'Erg m'ont laissé un beau souvenir... Cette nuit sera la plus froide : -6° ! Pas eu trop froid, à part les genoux qui s'enkylosent, se bloquent... Douloureux... J'en arrive à redouter les nuits pour ça !
5 janvier : En route pour Essendilène ! Quelques flashs : le chien qui court après la voiture, l'arrivée dans l'oued, Estelle qui fait la gueule parce que Thierry lui a balancé 2/3 bâches... Le bonheur de la toilette, se laver, sentir bon le savon, la marche vers la guelta, les portraits en photo, où je me plante d'ASA, le rab' de salade, les affaires qui sèchent, le puits, la douche, la ballade, le camp... La recherche de la guelta, Estelle qui m'explique pourquoi elle fait la gueule, le confit de canard, le riz, la soirée délire, Estelle qui veut sans arrêt s'essuyer les mains sur moi...
6 janvier : Départ pour Djanet. La route est belle, le long du Tassili. On s'arrête tôt pour manger (11h) et on en profite pour faire du gonflage de voile.... Olivier découvre le plaisir de voler -il apprend super vite !-
A Djanet, farniente, ballade. On couche vers Djabarren... Y'a du vent. Pour l'apéro du soir, je finis la salade de riz, sauce crème fraîche, super bon... Les autres se crachent les noyaux d'olives dessus, Olive construit un mur pour se protéger...
7 janvier : Départ pour Djabarren. Avec Yann, on reste en arrière pour aller faire la première ! Super content... Yann me fait toujours autant marrer, quand il est seul... Très différent, curieusement ! Quand il grimpe, il est heureux, et complice avec son 2ème de cordée... La voie est sans difficulté particulière, à part le retournement dans la cheminée, délitée... Il est impressionnant de force et de sûreté. 10 longueurs, photos au sommet, descente rapide, farniente au camp, rangement des cartons en attendant les autres, thé avec Boubaker... On part ensuite à Djanet poser le guide, faire de l'eau, et on revient le soir pour le dernier camp dans le désert... Les boules....
8 janvier : C'est le retour, lever tôt, attente à Djanet, et retour morne mais sympa !